1. Qu'est-ce que l'obligation de secret professionnel ?
L'obligation de secret professionnel impose que le fonctionnaire
détenteur de renseignements confidentiels ne puisse les partager
qu'avec des agents habilités à recueillir de telles informations.
Selon l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983, les fonctionnaires
sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles
instituées dans le Code pénal. Ils "doivent faire preuve de
discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou
documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion
de l'exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément
prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de
liberté d'accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne
peuvent être déliés de cette obligation que par décision expresse de
l'autorité dont ils dépendent".
2. Que dit le Code pénal en matière de secret
professionnel ?
L'obligation de secret professionnel est inscrite à l'article 226-13
du Code pénal selon lequel "la révélation d'une information à
caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par
état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une
mission temporaire constitue une violation du secret professionnel.
Toutefois, l'article 226-14 du même code prévoit des dérogations à
ce principe en disposant que l'article 226-13 n'est pas applicable
dans les cas où la loi impose ou autorise la levée du secret".
3. Quels sont les agents concernés par l'obligation de
secret professionnel ?
L'obligation de secret professionnel touche l'ensemble des agents
publics et, plus particulièrement, les agents des services médicaux
et sociaux (médecins et personnels de santé, assistantes sociales,
puéricultrices, agents des CCAS), les agents exerçant dans les
services des ressources humaines et les agents chargés des enquêtes
ou appelés à servir d'intermédiaires pour des enquêtes statistiques.
Toutefois, le secret professionnel devant souvent être partagé avec
d'autres fonctionnaires pour permettre une action de
l'administration, l'agent doit effecteur un tri entre les
informations afin d'éviter de dévoiler des éléments portant atteinte
à la vie privée de l'administré. La cour administrative d'appel de
Lyon ("Mme Robert Catelin" , 30 décembre 1992, req. n° 911LY00520) a
jugé que le simple fait, pour des assistantes sociales, de porter
des faits à la connaissance de tiers au cours d'un entretien
constitue un manquement à leur obligation de secret professionnel.
4. Que protège le secret professionnel ?
Contrairement à l'obligation de discrétion professionnelle, qui
protège l'administration en tant que personne morale détentrice
d'informations, le secret professionnel a pour objectif de protéger
l'usager du service public contre la divulgation d'informations à
caractère secret. Le respect de cette obligation est le corollaire
du respect de la dignité de la personne humaine, principe doté d'une
valeur constitutionnelle. Toutefois, le secret professionnel protège
aussi le fonctionnaire au sein de son administration. En effet, le
juge pénal considère que le fonctionnaire doit être traité comme un
particulier pour tout ce qui touche à ses droits personnels au sein
de l'administration (cour d'appel de Paris, 17 novembre 1953,
"Gazette du Palais", 1954, p. 112).
5. Quels faits sont concernés par l'obligation de secret
professionnel ?
L'obligation de secret professionnel porte sur les faits dont la
connaissance est réserver a quelque, personnes ou qui constituent un
secret par leur nature ou en raison des conséquences nuisibles qui
pourraient résulter de leur divulgation. Elle peut porter sur des
faits susceptibles d'être déjà connus du public. Ainsi, "un secret
petit être violé autant de fois que son dépositaire le divulgue
successivement à des personnes différentes, sans que le prévenu
puisse invoquer les révélations dont il s'était déjà personnellement
rendu coupable comme un fait justificatif" (Cour de Cassation, 25
janvier 1968, pourvoi n° 66-93877). En tout état de cause, la
divulgation intentionnelle de toute information qui relève du secret
(le la vie privée ou de tout secret protégé par la loi (dossiers
personnels et médicaux, par exemple) constitue une violation du
secret professionnel. La communication à des tiers non autorisés
d'informations nominatives, faisant l'objet de traitements
informatisés, constitue, quant à elle, une infraction spécifique
(article 226-22 du Code pénal).
6. Quelles sont les exceptions à l'obligation de secret
professionnel ?
La révélation du secret peut être autorisée, notamment, pour prouver
son innocence ou lorsque la personne sur laquelle porte le secret a
donné son autorisation. Elle est obligatoire pour les médecins qui
sont tenus de déclarer à l'autorité sanitaire les maladies
nécessitant une intervention urgente, ainsi que les maladies dont la
surveillance est nécessaire à la conduite et à l'évaluation de la
politique de santé publique (article L.3113-1 du Code de la santé
publique).
De même, les fonctionnaires doivent dénoncer les crimes et délits
dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions
(article 40 du Code de procédure pénale) et ne peuvent opposer le
secret aux agents des impôts sauf pour les renseignements d'ordre
économique et financier recueillis au cours d'enquêtes statistiques
(article L.83 du Livre des procédures fiscales). En outre, le secret
professionnel n'est pas opposable à l'autorité judiciaire exerçant
l'action pénale et au médiateur de la République (loi n° 73-6 du 3
janvier 1973). Les agents doivent donc communiquer les
renseignements, les pièces et les documents nécessaires au jugement
d'une affaire aux autorités de justice agissant en matière
criminelle ou correctionnelle et au juge administratif saisi d'un
recours contre un acte administratif. A noter cependant que la haute
juridiction administrative a jugé qu'il ne peut y avoir
communication directe d'informations couvertes par le secret
professionnel (informations à caractère médical, par exemple) et que
cette communication ne peut être effectuée que par l'intermédiaire
de l'intéressé lui-même (CE, 14 décembre 1988, "Département des
Hauts-de-Seine et Mlle Bon", req. n° 68209).
7. Qu'elle est la portée de l'obligation de secret
professionnel ?
Le secret professionnel est opposable aux tiers. Il n'est jamais
opposable aux intéressés qui ont, au contraire, un droit d'accès aux
informations les concernant, qu'elles soient gérées manuellement ou
sur support informatique (article 3 de la loi n°78-753 du 17 juillet
1978 et articles 38 à 42, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978). Au
sein de l'administration, les informations couvertes par le secret
professionnel ne sont communicables qu'aux administrations et aux
agents ayant compétence pour assurer la mission pour laquelle ces
renseignements ont été recueillis (CE, 11 février 1972, « M.
Crochette », req. n° 76799).
L'exercice du devoir d'information ne peut porter atteinte au secret
professionnel. Ainsi, les demandes de renseignements portant sur le
domicile ou la situation familiale, dont les collectivités sont
souvent saisies ne doivent pas, en principe, être satisfaites. De
même, selon la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada),
les documents nominatifs relatifs à la gestion des personnels ne
peuvent être communiqués qu'aux agents concernés ou à leurs
mandataires.
8. Qu'en est-il de l'accès aux documents administratifs
?
Les collectivités sont tenues de communiquer les documents à
caractère administratif dont elles sont les auteurs à toute personne
qui en fait la demande. L'accès aux documents administratifs est la
règle et la non communication l'exception. Ne peuvent donc être
exclus du droit à la communication que les documents administratifs
précisément énumérés par la loi et les documents sans caractère
administratif (article 1 de la loi du 17 juillet 1978).
9. Quelles sont les sanctions à la violation du secret
professionnel ?
La révélation intentionnelle de secrets professionnels en dehors des
cas prévus par la loi peut être constitutive d'une infraction pénale
et expose son auteur à une peine d'emprisonnement d'un an et à une
amende de 15000 euros (article 226-13 du Code pénal). La loi de
modernisation sociale est venue préciser qu' "en cas de poursuites
pénales pour violation du secret professionnel, l'instance
disciplinaire sursoit à statuer jusqu'à la décision définitive de la
juridiction pénale". Le législateur a entendu créer une dérogation
au principe de l'indépendance des poursuites disciplinaires et
pénales. Le fonctionnaire poursuivi pénalement peut être suspendu
(lire ci-contre). Il peut également faire l'objet d'une procédure
disciplinaire. Rappelons que des sanctions pénales particulières
sont prévues en cas de violation des dispositions de la loi sur
l'informatique, les fichiers et les libertés (article 226-22 du Code
pénal).
10. Quelle peut être la gravité de la violation ?
On distingue le «secret confié», lorsqu'un administré a confié des
informations à un agent public qui était chargé de les recueillir et
le "secret acquis", lorsque des informations sont parvenues
fortuitement à la connaissance d'un agent public ou bien à
l'occasion d'une enquête administrative l'informations à caractère
médical, ressources financières, etc.). Le juge pénal apprécie plus
sévèrement les manquements au secret professionnel dans le premier
cas que dans le second. Quant au juge administratif, il a estimé que
le fait pour un fonctionnaire de détourner des pièces d'un dossier
privé à des fins personnelles constituait une faute professionnelle
particulièrement grave (Cour administrative d'appel de Nantes, "Mine
Nicole Perrigault", 15 novembre 1989, req. n° 89NT01232).